La non rupture

Comment peut-on mettre fin à une relation qui en réalité n’en n’est pas une? Maureen nous parle de ces relations irrégulières qui restent sans définition, et qui, parfois, peuvent nous faire souffrir.


Ilustración: Laura F.


Au contraire des filles de ta génération, tu n’as pas été élevée avec les films Disney, à toi on t’a fait lire les vrais contes, ceux qui finissent toujours mal. C’est peut être pour ça que tu n’as jamais eu comme idéal l’amour romantique; ce n’est pas que l’idée te déplaisait, c’est simplement tu n’y accordais pas plus d’importance que ça. Pendant l’adolescence, lorsque tes amies commençaient à courir après les garçons, tu les trouvais vraiment bizarres; toi tu préférais passer le samedi après-midi à la maison à regarder des séries télé.

Quand tu as eu 18 ans, tu as commencé à te dire qu‘il était peut-être temps que tu t’intéresses un peu au sexe opposé. Tu étais hétérosexuelle, ça tu le savais, d’ailleurs ta chambre était remplie de posters de héros de séries télé américaines. L’acteur Tom Welling de la série Smallville a été le grand amour platonique de ton adolescence, mais les mecs de la “vraie vie” ne t’inspiraient rien du tout. Bref, tout ça pour dire qu’avoir un petit ami, au contraire de nombreuses filles de ton âge, n’a jamais été l’ambition de ta vie. Mais, la vie étant ce qu’elle est, ton chemin a fatalement fini par croiser ceux d’hommes de «la vraie vie” et quand tu y repenses, tu es plutôt contente de les avoir connus.

Cependant  récemment une amie t’a fait remarquer que les relations que tu as eu jusqu’à présent, tombent quasiment toutes dans la catégorie des “non-relations”. En effet, tu n’as jamais rompu avec personne, pas parce que c’est toujours toi qu’on a larguée mais parce que jusqu’à présent ta vie sentimentale a été pleine de “Jeremys”. Et pourquoi donc? Peut-être que les circonstances n’ont jamais été idéales, peut-être que tu n’as jamais rencontré quelqu’un qui t’ait laissé t’attacher à lui, peut-être qu’inconsciemment tu t’intéresses toujours à des personnes qui vivent loin de toi par peur d’être rejetée. Peu importe la raison, le résultat c’est que tu n’as eu que des “Jeremys” dans ta vie.

Qu’est-ce qu’un “Jeremy”?

Un “Jeremy” est un “non-copain”, le mec que tu n’as jamais réellement eu, celui qui reste à la frontière entre ami et petit ami. Le terme est tiré de l’essai de la gagnante d’un concours d’essai lancé par le NY Times, dont le thème était “l’amour moderne”. Dans son essai intitulé “No Labels No Drama Right ?”, l’auteure  raconte son expérience avec le Jeremy originel. Elle écrit ceci : “Et voilà comment un nom – auquel je faisais souvent référence – est devenu un archétype, un trope, un substantif d’usage général, utilisé par mes amies de l’université pour parler de “ce mec”, celui qui reste dans la zone obscure entre l’ami et le petit ami, souvent pendant des années.”

Cet article t’a fait réaliser que ta situation n’avait rien de singulière mais qu’au contraire, elle était le lot de nombreuses personnes de ta génération. Le “Jeremy” est ce mec que tu connais depuis pas mal de temps, et avec lequel tu as peur d’aborder le thème de l’étiquette de votre relation, de peur de passer pour la fille désespérée et qui manque de confiance en elle, qui se rêve avec un diamant à l’annulaire, trois enfants, deux chiens et un chat, à chaque fois qu’un homme lui effleure la main.

C’est que tu es une femme libre, du moins c’est ce que tu veux être. Le mariage ne fait pas partie de tes plans, tu n’aimes pas vraiment les chiens, et les chats te font peur et tu vois des enfants dans ta vie seulement dans un futur très lointain.

En plus, tu es orgueilleuse, tu ne voudrais pas que le mec ne se sente plus, seulement parce que tu as lui a demandé “qu’est-ce qu’on est ?” parce que vraiment, cette question ne signifie rien de plus que cela, “qu’est-ce qu’on est l’un pour l’autre?”.

Pour ne rien arranger tu es très sincère, avec toi-même et avec les autres. Tu n’aimes pas les petits jeux, tu ne dis pas non si tu penses oui, tu ne veux pas la jouer “froide” pour qu’il se sente rejeté et qu’il te coure après. Tu ne veux pas prétendre que tu n’as pas entendu ton téléphone sonner pour qu’il t’appelle encore et encore, car la seule chose que tu veux maintenant c’est décrocher ton téléphone et lui raconter ta journée.

Mais si l’amour est un jeu, il faut bien jouer non ? Tu aimes bien jouer, surtout quand tu gagnes, mais à ce jeu là tu ne gagnes pas et tu ne perds pas non plus. Ou plutôt si, tu gagnes des moments sporadiquement merveilleux car le “Jeremy” a l’avantage de te faire valoriser chaque minute passée en sa compagnie. Puisque tu ne sais pas quand tu le reverras, tu profites à fond des moments passés ensemble. La descente se fait ensuite, lorsque tu rentres chez toi avec dans la tête le sourire de ton Jeremy, le souvenir de ses bras qui t’entourent, du brunch délicieux qu’il t’avait préparé ce dimanche matin là, de cette nuit d’hiver que vous avez passé à écouter du Blues et de la soul en dansant collés l’un contre l’autre, de cette nuit étoilée où vous vous êtes baladés main dans la main dans les rues étroites de la vieille ville…  Et tu te dis “je veux faire ça tous les jours”. Mais tu as peur que lui ne veuille pas, ou tu n’oses pas le lui demander, alors tu décides que si tu ne peux pas avoir tout ça, tu ne veux rien du tout. Tu prends la décision pour la 1000ème fois de couper les ponts avec lui, même si vous ne vous êtes pas disputés, même s’il te plaît toujours autant. Tes amies se moquent de toi parce qu’elles savent que tu ne tiendras pas.

Elles ont raison, tu ne tiens pas. Quelques semaines ou quelques mois plus tard, il t’écrit et vous recommencez à vous parler, et vous prévoyez de vous revoir. La chair est faible et tu es heureuse, même si tu sais que tu vas revenir en chantant cette chanson de Shakira «I did it again, love, I got it all wrong but it felt so right I can’t believe it …*» et oui, tu as appris à reconnaitre la sagesse cachée dans la pop commerciale .

Les «Jeremys» ont des avantages indéniables mais ce sont des relations qui restent dans les limbes, et s’il n’y a pas de relation définie il n’y a pas de rupture définie, et s’il n’y a pas de rupture, il n’y a pas de point final et tu ne peux  vraiment pas oublier cette personne qui reste toujours dans un coin de ton esprit, occupant la place cosmique d’une autre relation potentielle. Alors tu décides de couper les ponts avec lui pour la 1001ème fois et tu te promets que cette fois sera la dernière, on ne t’y reprendra plus.

«* J’ai de nouveau recommencé, je n’aurais pas dû, mais c’était tellement bon, je n’en reviens pas…»

 

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